Tranche de fenêtre

Publié le par Marie Rennard


Assise sur l’appui de ma fenêtre magique, je profite du soleil d’octobre. La rue est déserte, ou presque. Tout au bout, du parking, arrive un vieux monsieur à l’opulente chevelure blanche qui pousse l’un de ces antédiluviens automatophones qu’on dit de Barbarie[1] , sur lequel est perché un vulgaire chat poilu comme ils sont tous. La
trajectoire du trio à roulettes est sinueuse, heurtée, assez pour qu’intriguée j’ouvre tout à fait l’œil. Il fait autant de vagues qu’un type qui conduit en décryptant son GPS posé sur ses genoux. Quand il arrive à l’aplomb de mon perchoir, j’en hoquète de rire. Il est, effectivement, en train de chercher sa route au GPS. Un tas d’antiquités à la pointe de la technologie. Je présume qu’il cherche le Puits Saint Jean, ou la place Saint François, ou Sainte Claire, tout droit au fond, mon p’tit monsieur, et assez loin sivouplé pour pas me troubler la quiétude. Je supporte pas le piaillement asthmatique de ces engins.

Je referme les yeux, tire un peu le volet sur moi, et  au moment où je me ramollis, un souffle de musique monte, feutré comme une clarinette, clair, doux. Papy s’est mis tout à côté, et en tournant sa manivelle, metricote un nid de velours et de soie. J’en crois pas mes yeux comme c’est beau.

Il a joué qu’un seul morceau, et puis il est reparti en zigzaguant, si ça se trouve il avait fait une pause là que le temps de retrouver la connexion de sa machine avec le satellite. Tant pis pour moi, tant mieux pour les copines du Puits Saint Jean, ça les change un peu des latinos et des pseudo cheyennes qui leur pètent les couilles en permanence d’avril à décembre.


Marie RENNARD

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[1] Alors à propos des orgues, et de la grammaire. Monsieur Grevisse Du Bon Usage, qui sait tout de même de quoi il cause, nous dit que le mot avait les deux genres au Moyen Âge, avec prédominance du féminin. Le masculin s’est imposé (du moins au singulier) parce que le mot latin organum était neutre. Au 18ème siècle, on trouvait encore le féminin au singulier. Et de citer Marivaux Ma voix fait autant de bruit qu’une orgue de paroisse, en précisant qu’on trouve même une orgue de Barbarie sous la plume de Juliette Drouet.
Aujourd’hui, Orgue est masculin singulier, et féminin au pluriel quand il désigne un seul instrument, mais reste masculin quand il s’agit d’un véritable pluriel. Ni vu ni connu j’t’embrouille. Bref, si vous voulez en savoir plus, vous faites comme moi, vous ouvrez le pavé. Faites gaffe quand même, de fil en aiguille et de renvoi en note, demain, vous y êtes encore.
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M
waouw mag, comment qu'elle tue ton antenne tv !
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M
j'te taquine Marie !
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T
J'aime la photographie en mots de cet instant de geste.<br /> <br /> Et l'idée des guenilles qui cachent les prophètes.
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M
ben non, l'aurait fallu que je me lève exprès. -)
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K
Le point d'orgue de ton récit est très féminin! Je sais ça veut rien dire, j'écris ça juste pour faire genre, cqfd! ;)) Trêve de plaiz, jolis instants de poésie, m'dame, j'espère juste que, cette fois, t'as pas valdingué un seau d'eau froide sur Zerbino!
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