Le soir

Publié le par Marie-Laetitia Gambié

Asseyons-nous côte à côte, nos souffles à l’unisson, sur la mousse tiède et jaunie. Le soleil descendra bientôt derrière la grange, disque, croissant, rai rouge qui s’éteint, obscurité montante. Nos pupilles s’accoutumeront à la nuit qui se tend.

Les constellations d'août, que tu découvres avec ravissement, et quelques-étoiles filantes, éclats de voix parmi les murmures, transperceront bientôt tout-à-fait les ténèbres.

Nous verrons apparaître les bêtes que nos peurs oublient le jour, l’ombre difforme d’une araignée en équilibre sur le fil du muret, le vol éreinté d’une chauve-souris qui semble se hisser à chaque battement d’ailes puis retomber abattue, nageuse exsangue, en zigzags erratiques.

C’est alors seulement, avec beaucoup de chance, humbles et transparentes, figées, ne respirant que par la bouche, que nous pourrons apercevoir très loin à l’orée des bosquets communaux la biche dont je te parlais hier, avec ses deux faons, tu sais ? Cette grâce inquiète qui la fait se mouvoir si souplement émeut tant nos regards que toute la nature autour semble se resserrer sur elle.

Lorsqu’elle sera repartie, désaltérée ou effrayée par nos bruits domestiques – la ville est proche – nos yeux obnubilés n’auront pas perçu la nuit se refermant sur nous. Nous aurons froid comme après un rêve.

Je prendrai ta petite main dans la mienne pour que tu n’aies pas peur. Nous rentrerons, chuchotant à peine, le pas léger étouffé par les herbes que je tarde à couper, fendant les chants des criquets qui se taisent puis reprennent après nous.


Marie-Laetitia Gambié
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C
C'est bôôôô! et ça fait du bien de bon matin de lire des choses si merveilleusement "ordinaires".
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